mercredi 22 novembre 2023

Sonate du matin

 Ce matin, j’ai terminé mon échauffement avec la K61. Cette sonate, je l’ai interprétée des centaines, peut-être des milliers de fois. Mais, pour moi, elle est définitivement la plus belle, la plus aboutie des pièces de Scarlatti : une fugue, montée lente, obsédante, tranquille, presque implacable du même motif, qui commence en eau dormante et s’achève en vif-argent. Et tant pis si le déroulé liquide de ses gammes ascendantes et l’enchevêtrement de ses variations mettent mes vieilles mains à l’épreuve. Cette sonate est un tourbillon émotionnel qui mélange l’exultation, l’apaisement, l’allégresse. La joie qui s’y exprime est pénétrée d’ombres ; Dieu sait de quelles douleurs le compositeur a nourri l’or et la lumière qui font vibrer sa musique.
Du peu d’événements que l’on connaît de la vie de Scarlatti, on sait qu’il a perdu une épouse, Catalina, et vu mourir plusieurs de ses enfants. Il a passé la moitié de son existence en exil, à l’ombre des puissants, loin de sa terre napolitaine, à une époque de morbide Inquisition et de piété obligatoire.
Je me suis parfois demandé [...] s’il en avait souffert, et à quel point. Songeait-il à l’eau des canaux vénitiens, aux rues dans lesquelles il n’entendait plus chanter la douceur du parler napolitain, mais, à sa place, le chuintement du portugais ou les consonnes râpeuses de l’espagnol ?
Hélène GERSTERN, 555
Arléa, 1er/mille, 2022, pp. 79-80


mercredi 22 février 2023

Vision somnambulique

Paul Delvaux, Les trois lampes, 1964, Collection privée
Mais il y a toujours, eu milieu du hall, le grand Delvaux qui reste lié pour moi à cette époque. Maria s’était aperçue que je jetais toujours un œil à ce tableau qui représentait une femme en robe blanche. Sa robe tenait de la tunique, de la robe de bal, ou de la chemise de nuit. Sa longue chevelure blonde, annelée comme celle des Grecques sur les amphores, était lâchée sur les épaules. Elle avait des yeux en amande soulignés d’un trait noir, la peau pâle, comme si le corps n’avait pas été enduit de peinture et gardait la blancheur du papier. Dans cette toilette incongrue, elle se tenait, de nuit, droite et sévère comme une moniale ou une somnambule sur le quai d’une petite gare triste, méticuleusement peinte avec tous ses détails — même les fils reliant les réverbères avaient été tracés d’un trait plus sombre que le ciel noir. On sentait que c’était une gare de ville du Nord, une gare des années 40 ; les rails ressemblaient à ceux des anciens trains électriques ; les wagons avaient des vitres qu’on remontait à la manivelle, des banquettes marron en cuir, des marchepieds très hauts. Les réverbères étaient allumés sur le quai ainsi que les vitres des wagons, et les impostes en demi-lune du bâtiment principal. La femme semblait déplacée dans ce décor — qui, naturellement, pouvait faire penser à un rêve, mais on ne savait pas de qui était le rêve, si elle était un rêve surgi de cette gare triste, ou si elle-même marchait dans son sommeil sur le quai d’une gare de ceinture, une gare des environs de Bruxelles ou d’Anvers. Ou peut-être qu’elle attendait quelqu’un, qu’elle s’était préparée pour quelqu’un qui n’est jamais venu. La gare, maintenant, était trop ancienne. Une gare depuis longtemps désaffectée. 
Maria me dit que Delvaux était belge. 
Un soir, comme je regardais le tableau (il était au centre du hall), elle me confia presque involontairement : « J’ai rencontré Karl à la gare de Madrid ; il faisait un voyage pour ses affaires. Il venait de se séparer de sa troisième femme. J’avais vingt-cinq ans. Je ne venais pas du même milieu, bien soir, si c’est la question que vous vous posez ; je venais d’un milieu modeste ; mon père était ouvrier, et vous savez ce qu’était l’Espagne à ce moment-là. »
Dominique BARBÉRIS, La Vie en marge
NRF Gallimard, 2014, pp. 70-1


jeudi 19 janvier 2023

Portrait volé regardant ses voleurs

Gustav Klimt, Portrait d’Adele Bloch-Bauer I, 1907,
Huile, or et argent sur toile, dimensions : 138 × 138 cm, Neue Galerie, New York

« C’est assez beau, vous ne trouvez pas ? »
J’étais en train d’admirer une éblouissante peinture moderne d’une femme fatale aux cheveux noirs. Elle portait une robe longue magnifique, qui semblait avoir été faite avec les yeux d’or d’Argus, le tout se détachant sur un fond doré resplendissant. Il y avait quelque chose de terrifiant chez la femme elle-même. On aurait dit une reine égyptienne impitoyable, apprêtée pour l’éternité par un groupe d’économistes esclaves de l’étalon-or.  
« Malheureusement, c’est une copie. L’original a été volé par ce gros rapace de Hermann Goering et figure maintenant dans sa collection privée, où personne ne peut le voir sauf lui. Hélas. »
Je me trouvais dans la bibliothèque du château du bas. Par la fenêtre, je pouvais voir le jardin à l’arrière, où plusieurs officiers de la SS et du SD étaient déjà rassemblés sur la terrasse. L’officier qui me parlait était âgé d’une trentaine d’années, grand, mince et quelque peu maniéré. Il avait des cheveux blond clair et une cicatrice de duel sur la joue. Les trois galons à son col me disaient qu’il s’agissait d’un SS-Haupsturmführer — un capitaine, comme moi ; et la mini-balançoire à ferrets d’argent sur sa tunique —appelée plus précisément une aiguillette, mais seulement par les gens capables de se débrouiller avec un dictionnaire des termes militaires — indiquait que c’était un aide de camp, de Heydrich selon toute vraisemblance. […]
J’en revins au portrait doré devant nous.
« Qui est-ce, au fait ?
— Elle s’appelle Adele Bloch-Bauer, et son mari, Ferdinand, possédait cette maison. Un Juif, de sorte qu’on se demande bien pourquoi Goering en pince autant pour elle. Mais c’est ainsi. La cohérence n’est pas son fort, je dirais. Certes, c’est une excellente copie, mais, à mon avis, il est fort dommage que l’original ne se trouve pas dans la maison, où est sa vraie place. Nous essayons de convaincre le Reichsmarschall de le rendre, mais sans grand succès jusqu’à présent. Quand il s’agit de tableaux, il est comme un chien avec un os. Quoi qu’il en soit, il est facile de voir pourquoi il y tient tellement. Dire que Frau Bloch-Bauer ressemble à un million de marks ne rend guère justice à son portrait, ne pensez-vous pas ? »
J’acquiesçai et m’autorisai un nouveau coup d’œil, pas à la peinture mais au capitaine Küttner. Pour un homme qui était l’assistant de Heydrich, ses opinions libres et franches sentaient le soufre. Un peu comme les miennes. Manifestement, nous avions plus de choses en commun qu’un simple uniforme et une profonde compréhension de l’art moderne. 
« C’est différent, admis-je.
— D’une élégance un peu superficielle, sans doute. Cependant, pour une raison ou pour une autre, même une copie est plus touchante que la peinture dorée, qui a l’air d’avoir été renversée sur la toile. Non ?
— Vous parlez comme Bernard Berenson, capitaine Küttner.
— Seigneur, ne dites pas ça. Du moins, pas à portée de voix du général. Berenson est un Juif.
— Que lui est-il arrivé, quoi qu’il en soit ? » J’allumai une cigarette. « À la femme en or du tableau ?
— C’est triste à dire, et assez peu glorieux compte tenu de l’image qu’elle donne sur cette peinture, mais la malheureuse a succombé à une méningite en 1925. Tout compte fait, cela vaut peut-être mieux, quand on pense à ce qu’endurent les Juifs dans ce pays. Ainsi que dans son Autriche natale.
— Et Ferdinand ? Son mari ?
— Oh, je n’ai pas la moindre idée de ce qu’il est devenu. Et je m’en moque, pour ne rien vous cacher. Il semble le type même du marchand juif aux doigts crochus, et il a été bien avisé de plier bagage dès que nous sommes entrés dans les Sudètes. En revanche, je sais que l’artiste — un Autrichien lui aussi, du nom de Gustav Klimt — est mort au début de l’épidémie de grippe de 1918, le pauvre. Il était fréquemment invité au château, je crois. Adele aimait bien le vieux Klimt, à ce qu’il paraît. Peut-être même un peu trop. C’est drôle de les imaginer tous ici, n’est-ce pas ? Surtout maintenant que la propriété appartient au général Heydrich. O quam cito transit gloria mundi. » 

Philip KERR, Prague Fatale
éd. du Masque, 2013, pp. 145-9 (trad. Philippe Bonnet)

mardi 20 décembre 2022

Never Let Me Go



Mais je voulais parler de ma bande, Chansons après la tombée de la nuit par Judy Bridgewater. Je suppose que c’était à l’origine un 33-tours — la date d’enregistrement est 1956 —, mais c’était la cassette que j’avais, et la photo du boîtier devait être une version réduite de la pochette du disque. Judy Bridgewater porte une robe en satin violet décolletée sur les épaules, une mode populaire à l’époque, et on la voit juste à partir de la taille parce qu’elle est assise sur un tabouret de bar. Je pense que c’est censé se passer en Amérique du Sud, parce qu’il y a des palmiers dans le fond et des serveurs basanés en smoking blanc. Vous regardez Judy depuis l’endroit exact où se trouve le barman quand il lui sert à boire. Elle jette un coup d’œil derrière elle, l’air aimable, pas trop sexy, comme si elle flirtait un tout petit peu, mais vous êtes une vieille connaissance. L’autre détail de l’illustration, c’est que Judy pose les coudes sur le bar et qu’une cigarette brûle entre ses doigts. Et c’est à cause de cette cigarette que j’ai fait tant de mystère à propos de la cassette, dès le moment où je l’ai trouvée à la Vente. 
Je ne sais pas comment c’était là où vous étiez, mais à Hailsham les gardiens se montraient vraiment stricts au sujet du tabac.
Kazuo ISHIGURO, Auprès de moi toujours, Folio, p. 110 (trad. Anne Rabinovitch)

dimanche 12 septembre 2021

Une sculpture contestataire

Publius garde ses remarques pour lui. Il revient avec son visiteur dans l’atrium, ravive le foyer du laraire sous le regard compassé du délateur. Il le prend par le coude, se dirige vers un banc posé contre le mur, se ravise, décide de déambuler autour du bassin en compagnie de son visiteur, puis marque un arrêt. Tout deux contemplant sur leur droite le groupe en marbre de l’homme aux serpents. Regulus essaye d’ajuster à petits gestes discrets le pli de sa toge tout en s’étonnant en silence de la présence d’une sculpture pareille dans un atrium, une sculpture représentant un étouffement ! Pourquoi une telle exhibition ? Un signe contre l’empereur ? Contre la façon dont règne l’empereur ?
Publius garde le silence. Il sourit à ce serpent de Regulus qui regarde deux autres reptiles sculptés mettre à mort un homme et deux jeunes gens dont l’un, celui qui est à gauche, est déjà dans l’incapacité de faire autre chose que de rejeter la tête en arrière, les yeux tournés vers là où vont les morts ; l’autre jeune homme espère encore, l’espérance est la dernière des déesses, il peut encore se sentir en état de libérer sa jambe gauche et de prendre sa course ; c’est un leurre, les anneaux lui enserrent déjà la jambe, il s’imagine qu’il doit la libérer, qu’il lui suffit de dégager sa cheville comme il le ferait des lanières d’une sandale ; il a les yeux tournés vers l’homme plus âgé. Lui demande-t-il du secours ? La sculpture n’en dit rien.
« C’est une copie ? » demande Regulus. Publius ne réagit pas à l’insolence. Règulus ajoute que ce qu’il voit ne ressemble pas tout à fait à ce que décrit Virgile…
Regulus est un pédant mais il a raison, se dit Publius, dans l’Énéide les serpents attaquent d’abord les deux fils et les mettent en lambeaux. Il n’y a pas de lambeaux dans la sculpture, pas d’émotion de boucherie, il suffit des anneaux, l’idée pure d’étouffement.
D’après Virgile, continue Regulus, une fois les deux fils massacrés, les serpents se sont attaqués au père, ils ont deux fois enserré Laocoon, deux rangs de serpents autour du cou. Publius sait tout cela mais il laisse parler Regulus, qui parle de Virgile non par amour de la poésie mais parce que c’est le poète des empereurs. Il faut laisser parler les gens comme Regulus, les laisser aller au-delà de ce qu’ils avaient l’intention de dire, alors on a une petite chance d’en apprendre un peu plus sur ce qu’ils ont dans la tête.
Regulus s’est lancé dans un commentaire de la description virgilienne, des serpents à croupe couverte d’écailles et la nuque dressée, dominant leur victime. Virgile et ses images saisissantes, croupe d’écailles, nuque dressée…
Publius se demande si des serpents à croupe et à nuque sont encore des serpents. Il n’y a rien de tout cela dans la sculpture, pas de croupes, pas de nuques, rien d’autre que l’enroulement, des nœuds, pas d’écailles, la forme pure de la mort par enroulement… Chez Virgile, Laocoon tend les mains pour desserrer les nœuds, le sang et le noir venin coulent goutte-à-goutte de ses bandelettes tandis que d’horribles clameurs montent au ciel.

Hédi KADDOUR, La Nuit des orateurs,
 NRF Gallimard, 2021, p. 61-2

mercredi 2 septembre 2020

Les tribulations d’une statue chinoise

Bien des années plus tard, au commencement du XVIIe siècle, et d’une manière qui n’a jamais été tirée au clair, les Espagnols entrèrent en possession d’une figure en or du Bouddha, créée au temps de la dynastie des T’ang et qui d’une façon ou d’une autre avait survécu à la catastrophe du IXe siècle. Même si, à l’époque, la coutume était de fondre de nombreuses pièces et de ne transporter en Espagne que de l’or ou de l’argent refondu, cette pièce dut tellement impressionner ses nouveaux propriétaires que le gouverneur de Manille décida de la conserver et de l’envoyer intacte au roi d’Espagne, pour qu’il la joigne à ses trésors de la façon qui lui conviendrait le mieux : soit comme simple métal, soit comme l’œuvre d’art singulière qu’elle était déjà, car, même si ce gouverneur ne l’imaginait pas, le style de cette pièce était sans aucun doute de la période T’ang, et cela devait être l’une des rares représentations de Bouddha réalisées en or pur, car on utilisait d’habitude plutôt le bois, la pierre et même le bronze, mais pas l’or…
À présent, pour vous donner une idée, je vais essayer de vous décrire la figure : sur la statue, Bouddha était représenté debout, recouvert d’une cape qui l’enveloppait et formait des plis autour de lui. Les mains du dieu étaient en position de prière, et ses pieds reposaient sur une feuille de lotus, avec une telle délicatesse qu’il semblait être descendu du ciel pour se poser dessus. Derrière lui s’ouvrait un halo oblong, comme cela, sillonné de lignes qui formaient de véritables labyrinthes. Le corps de Bouddha était maigre, comme on le représentait à l’époque, et il avait un visage presque carré, capable d’exprimer toute sa force. Mais sur sa figure il y avait un petit sourire qui accentuait ses traits, très légèrement chinois. Cette statue extraordinaire, créée mille ans plus tôt par un artiste dont nous ne saurons jamais le nom, pesait un poids d’or net de quatorze kilos et mesurait quarante-cinq centimètres de haut, selon les mesures actuelles. Pouvez-vous l’imaginer ?…
Avec encore plus de soins que d’habitude, la pièce traversa enfin l’océan Pacifique, débarqua à Acapulco, traversa le Mexique et fut à nouveau embarquée pour La Havane d’où elle devait partir directement pour Séville et de Séville à Madrid, comme cadeau royal à un Philippe IV qui commençait à assister à la décadence de l’empire et qui comme roi espagnol avait toujours plus ou moins besoin d’argent.
Leonardo PADURA, L’Automne à Cuba 
Métailié, 1999, Points, pp. 196-7 (trad. par René Solis et Maria Hernandez)

samedi 4 avril 2020

Le bureau de Georges Haas

La grande table était presque désertique ; les quelques objets qui la peuplaient s’en trouvaient transformés en autant d’oasis de cristal, de cuir ou de carton. Georges Haas tira son fauteuil vers la table et pressa un bouton parant une oasis d’ébonite en forme de conque, et percée d’une foule de trous pour permettre à sa voix de passer au travers. Il déposa dans la conque une sorte de phrase d’allure monosyllabique et se renfonça dans son fauteuil. 
En attendant que fleurisse le monosyllabe, il jeta un regard circulaire sur l’espace quadrangulaire, tant bien que mal. Il y avait quelques tableaux sur les murs, dont un grand Monory tout bleu représentant un couloir de l’hôtel de la Gare d’Orsay, et un monochrome d’Yves Klein également tout bleu, mais d’un ton différent. Il y avait aussi une lithographie d’Odilon Redon dédiée à Edgar Poe et intitulée L’œil, comme un ballon bizarre, se dirige vers l’infini. La chose figurait un aérostat, un énorme globe oculaire en guise de ballon, et, suspendu à celui-ci, tenait lieu de nacelle un plateau où reposait sur sa base une tête coupée. L’appareil monstrueux flottait entre deux airs, au-dessus d’un vague paysage marin, avec au premier plan un végétal mal défini, évoquant un gros iris ou un petit agave. 
Au-dessous de la lithographie, monté sur tige, stationnait un moulage de terre cuite en provenance de Smyrne, présentant l’aspect supposé du cyclope Polyphème, au front orné d’un œil proéminent. Cependant, s’il avait respecté la vision proverbialement monoculaire des cyclopes, l’auteur de l’ouvrage n’avait pas cru bon pour autant d’éliminer la trace des deux autres yeux. À leur place, deux paupières closes, vaguement creuses, semblaient gésir sur ce visage et couvrir deux béances, laissant supposer que Polyphème avait subi peut-être une énucléation double, avant que ne lui poussât l’œil frontal. 
Haas se demanda pour quelle autre raison le sculpteur avait pu conserver ces traces d’yeux ; peut-être pour d’obscurs motifs mythologiques ; ou bien quelque répulsion à substituer à ces organes deux étendues d’argile bien lisses, s’étirant des oreilles à l’arête du nez — comme s’il était moins risqué d’ajouter au visage un attribut, plutôt qu’en retrancher un autre. Mais, dès lors, Polyphème n’avait plus rien d’effrayant ; il semblait affublé d’un postiche. Il n’est pas facile de produire un monstre, pensa Haas. Le Smyrniote anonyme avait échoué par excès de discrétion, en se bornant à coller un œil en plus sur de l’humain, comme Odilon Redon, encore lui, dans son cyclope exposé au musée d’Otterlo, avait échoué en réduisant la tête entière de Polyphème à un œil unique, à l’exclusion de tout autre organe, un gros œil occupant une énorme orbite crânienne, et, de surcroît, bleu ; autre excès. 
Jean ÉCHENOZ, Le Méridien de Greenwich
Minuit, 1979, pp. 14-16

Odilon Redon, Le Polype difforme flottait sur les rivages, 
sorte de cyclope souriant et hideux, 1883
Odilon Redon, L’œil comme un ballon bizarre 
se dirige vers l’Infini (A Edgar Poe), 1882