vendredi 2 mars 2018

Discussion autour d’un martyre

Caravage, La Flagellation du Christ,
 1607 (?), Huile sur toile, 286 × 213 cm, Musée Capodimonte, Naples
Le Caravage évoque avec son protecteur, le cardinal Del Monte, le tableau qu’il est en train de terminer.
J’avais beaucoup de commandes à réaliser à Naples, des travaux laissés en suspens que je repris à mon retour. Je travaillais à une Flagellation dans la villa de Chiaia, pour Tommasso De Franchis, un bourgeois de l’administration du vice-royaume qui était en train de s’acheter un titre nobiliaire et une chapelle à San Domenico Maggiore. J’avais esquissé la toile avant de partir, et maintenant je la corrigeais, je voulais supprimer la figure du commanditaire qu’on m’avait demandé d’y faire apparaître mais que j’avais ensuite décidé d’effacer, avec l’autorisation de De Franchis. Il me semblait dégradant pour lui de le représenter là, assistant à la torture du Christ, au risque d’être pris pour Ponce Pilate. Je peignais à sa place un troisième bourreau, qui resserrait les liens du Nazaréen attaché à la colonne...
— Inquiétant... Ce flagellateur, là, à gauche, celui avec le fouet en main, il a l’air vraiment méchant, dit une voix amie dans mon dos. Les bourreaux de la Passion ne sont plus des travailleurs quelconques, comme dans tes toiles romaines, ils participent activement au mal dont ils sont les exécutants matériels. Ils sont donc aussi coupables que les mandants, et semblent prendre un grand plaisir à infliger aux autres la douleur physique, sinon ils ne seraient probablement pas là, ils feraient un autre métier, n’est-ce pas ?
Francesco FIORETTI, Dans le miroir du Caravage,
 p. 247-8, Editions Hervé Chopin, 2016 (trad. Chantal Moiroud)

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