Mariage de Frédéric Barberousse avec Béatrice de Bourgogne, fresque de Giambattista Tiepolo (scène centrale), 1751, Résidence de Wurtzbourg. |
Il était de taille médiocre, effacé, mais il retenait l’attention par son silence fiévreux, son enjouement sombre, ses manières tour à tour arrogantes et obliques – torves, on l’a dit. C’est ainsi du moins qu’on le voyait sur le tard. Rien de tel n’apparaît dans le portrait qu’aux plafonds de Wurtzbourg, précisément sur le mur sud de la Kaisersaal, dans le cortège des noces de Frédéric Barberousse, Tiepolo a laissé de lui, quand le modèle avait vingt ans : il est là à ce qu’on dit, et on peut l’aller voir, perché parmi cent princes, cent connétables et massiers, autant d’esclaves et de marchands, de portefaix, des bêtes et des putti, des dieux, des marchandises, des nuages, les saisons et les continents au nombre de quatre, et deux peintres irrécusables, ceux qui de la sorte ont rassemblé le monde dans sa recension exhaustive et sont du monde pourtant, Giambattista Tiepolo en personne et Giandomenico Tiepolo son fils. Il est donc là lui aussi, la tradition veut qu’il y soit, et qu’il soit le page qui porte la couronne du Saint Empire sur un coussin à glands d’or ; on voit sa main sous le coussin, son visage un peu penché regarde la terre ; tout son buste fléchissant semble accompagner le poids de la couronne : il ploie sous l’Empire, tendrement, suavement.
Il est blond.
Cette identification a tout pour séduire, quand bien même elle serait une fantaisie : ce page est un type, pas un portrait, Tiepolo l’a pris dans Véronèse, pas dans ses petits assistants ; c’est un page, c’est le page, ce n’est personne.
Pierre MICHON, Les Onze, pp. 11-12, Verdier, 2009
Etrangement, cet incipit est largement repris dans Tu montreras ma tête au peuple de François-Henri Désérable :
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