vendredi 29 décembre 2017

Une tapisserie emblématique

Au début du roman, Charles IX est pressé par son entourage catholique de faire tuer tous les protestants pour le lendemain, jour de la Saint-Barthélémy. Le roman surabonde de scènes de chasse, qui sont autant de rappels du massacre dans l’esprit malade du roi.
Alors que, près du mur, le capitaine s’adresse malignement à lui en termes de chasseur : « Nous tenons la bête dans les toiles. Hâtez-moi d’envoyer les piquiers », Charles contemple derrière le soldat une tapisserie où l’on voit un cerf qui a un œil bleu. Le roi ne l’avait jamais remarqué. Encore un drôle de truc, ça ! Le souverain se lève.
Grand, mince et étroit d’épaules, ses longues jambes moulées dans des bas blancs vont sur les carreaux de faïence fleurdelisés du sol qui résonne du choc de ses éperons en forme de col de cygne avec une étoile roulante au bout. Descendant à mi-cuisse, sa « trousse » bouffante ressemble à une couche-culotte alors qu’il s’approche de l’intrigante tapisserie.
On peut y admirer un dix-cors bousculé par cinq chiens et même une chienne sautés ensemble sur lui. Un limier lui mord une oreille. D’autres le prennent à la gorge, fouillent vers son ventre, son cœur. Et le cervidé, cinq andouillers sur chacun des bois – à sept ans, c’est jeune pour vivre ça –, lève, de profil, sa tête aux abois vers les nuages. Il a un œil bleu.
A hauteur de visage du monarque, l’iris tissé est gratté. Charles observe ensuite les particules de laine bleue restées sous son ongle : « Bizarre, ça. Un cerf a toujours l’œil noir... »
Jean TEULÉ, Charly 9, Julliard, 2011, p.12

Tapisserie des Hommes sauvages - v. 1470 -1480 - Historisches Museum - Bâle
Cette tapisserie évoque la scène du passage, qui reste une ekphrasis imaginaire. Il est à noter que plusieurs des rois de la maison de Valois avaient le cerf ailé comme emblème.

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