mardi 5 décembre 2017

Une partie d’échecs, damier sur damier avec dame

... Elle s’arrêta devant la peinture, l’observa longuement. C’était une scène domestique, peinte avec le réalisme minutieux des Quattrocentistes ; une scène d’intérieur, de celles avec lesquelles les grands maîtres flamands avaient jeté les bases de la peinture moderne, grâce à l’innovation qu’avait constituée à l’époque la peinture à l’huile. Deux chevaliers dans la fleur de l’âge, de noble aspect, assis de part et d’autre d’un échiquier sur lequel se déroulait une partie, constituaient le sujet principal. Au deuxième plan, à droite, à côté d’une fenêtre en ogive qui s’ouvrait sur un paysage, une dame vêtue de noir lisait un livre qu’elle tenait posé sur ses genoux. Des détails minutieux, bien caractéristiques de l’école flamande, enregistrés avec une perfection presque maniaque, complétaient la scène : meubles et ornements, dallage noir et blanc, motifs du tapis, et même une petite lézarde dans le mur, ou l’ombre d’un clou minuscule fiché dans une poutre du plafond. L’échiquier et les pièces étaient rendus avec une précision semblable, de même que les traits, les mains et les vêtements des personnages dont le réalisme contribuait avec la clarté des couleurs à la qualité du travail de l’artiste, évidente malgré le noircissement du tableau dû à l’oxydation du vernis original.

Arturo PÉREZ-REVERTE, Le Tableau du Maître flamand,
Lattès, 1993 (trad. Jean-Pierre Quijano)

image : couverture de lédition espagnole du livre, illustrée de La Partie d’Échecs, huile sur bois de Pieter Van Huys, 1471

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